Baruch Spinoza, dans son œuvre Éthique, identifie la joie et la tristesse comme les deux affects fondamentaux de l’existence. Ces affects désignent les deux variations possibles du conatus, c’est-à-dire l’effort que fait chaque individu pour « persévérer dans son être ». Le conatus représente la croissance du sentiment d’exister. La joie traduit donc une augmentation de la puissance individuelle, donc une plus grande perfection dans sa capacité à vivre et à bien vivre. La joie va de pair avec l’accomplissement de soi.
Friedrich Nietzsche recherche un autre sens à la vie. Il suggère le surhomme et sa création de sens à la vie comme alternative au dernier homme, et encourage les personnes prêtes à endurer de grandes souffrances au nom d’un objectif qu’elles se sont fixé.
I. Eudémonisme : vivre pour le bonheur
Aristote : Toutes nos actions visent, directement ou indirectement, le bonheur. Ce souverain bien est le bonheur lui-même, car il est parfait et il se suffit à lui-même. On comprend que c’est le bonheur qui est la fin dernière de toutes nos actions. Donc c’est lui qui clôt la série, c’est lui qui donne sens à toute la série de toutes nos actions, c’est donc lui qui livre le sens ultime de notre existence.
Dans la conception religieuse, la béatitude s’oppose au bonheur terrestre : c’est la joie dont bénéficient les bienheureux au paradis. En philosophie, la béatitude est la satisfaction totale que goûte le sage dans sa vie présente.
Blaise Pascal, Pensées : « Tous les hommes cherchent à être heureux. Cela sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui vont se pendre. » Dans les activités quotidiennes comme dans les projets les plus fous, les hommes recherchent le bonheur, un bien-être complet, un contentement total, un plaisir absolu.
II. Subjectivité du bonheur
Le bonheur est subjectif, personnel, il dépend des désirs propres à chaque individu. Il est donc difficile d’en donner une définition objective et universelle. Il est aussi divers et insaisissable que les désirs, qui varient tout au long de la vie. Beaucoup de superstitions témoignent d’une aspiration universelle au bonheur. Mais, laissé au destin, au hasard ou à la volonté divine, le bonheur échappe à la maîtrise de l’individu alors qu’il constitue l’accomplissement de sa vie.
Le sens commun représente le bonheur comme l’accomplissement complet des désirs, comme une satisfaction totale. Le terme désir a deux étymons latins : considerare (« contempler un astre ») et desiderare (« regretter l’absence de cet astre »). Le désir se distingue du besoin, car ce dernier relève de ce qui est nécessaire, alors qu’un désir est contingent.
III. Diversité des bonheurs
Un homme pleinement heureux serait un homme satisfait dans tous les domaines de son existence (santé, famille, travail, loisir, etc.). Mais le bonheur est alors précaire, fragile, car une de ces satisfactions peut disparaître à tout moment. Platon, dans le Gorgias : Le sophiste Calliclès affirme que liberté et bonheur consistent à « remplir tous ses désirs à mesure qu’ils éclosent, sans les réprimer ». C’est une conception quantitative du bonheur qui se réduit à une somme de plaisirs. Plus il y a de plaisirs, plus la vie est réussie. Mais, selon Socrate, l’individu qui passe sa vie à jouir de plaisirs multiples cherche sans cesse de nouvelles sources de plaisir, et il n’est jamais complètement satisfait. Seule la vie vertueuse de celui qui consacre l’essentiel de son temps à la recherche du Bien, du Beau et du Vrai semble être une vie heureuse. La vie hédoniste, elle, est discontinue et éclatée, elle n’atteint pas un bonheur constant et durable. En s’élevant au-delà du sensible, on fait de sa vie quelque chose d’unique et de cohérent.
Épicure, Lettre à Ménécée : Le bonheur est le bien que tout homme recherche et la philosophie est essentielle dans cette recherche. La philosophie, nécessaire à tout âge, nous apprend à bien nous représenter les choses de manière à ne plus nous laisser troubler par elles. En se représentant la mort comme n’étant rien, parce que nous ne la connaissons pas tant que nous vivons et qu’il n’y a rien après elle, nous n’avons plus l’âme troublée par la peur de mourir. Le bonheur consiste en l’absence de douleurs physiques et de troubles de l’âme. C’est l’ataraxie (tranquillité de l’âme) et l’aponie (tranquillité du corps), une définition négative du plaisir comme absence de mal-être : le bonheur est le fait de ne pas être malheureux.
Arthur Schopenhauer : L’homme le plus heureux est celui qui ne connaît pas dans sa vie de douleurs physiques et morales trop grandes, non pas celui qui a les joies les plus vives ou les jouissances les plus fortes.
Mais le bonheur peut provenir aussi de la liberté, de la justice, de l’art.
Baruch Spinoza, Éthique : Le bonheur est appelé « béatitude », il consiste en la connaissance rationnelle de la nature qui conduit à l’amour de Dieu, puisque Dieu et la nature sont la même chose. La connaissance des causes qui me déterminent me libère et me rend heureux grâce à une fusion intellectuelle et affective avec l’ordre du monde. Le bonheur est dans cette harmonie de mon esprit avec l’ordre nécessaire de la nature.
Aristote : Le bonheur est la réalisation d’un potentiel, d’une puissance. Tous les êtres vivants ont certaines facultés vitales (une âme, au sens d’Aristote) qu’ils doivent exercer pour se réaliser pleinement :
- Les plantes ne possèdent qu’une âme végétative (se nourrir et croître) ;
- Les animaux possèdent une âme végétative et une âme sensitive (la capacité de ressentir grâce aux cinq sens) ;
- Les humains possèdent en plus une âme intellective (le raisonnement).
Le bonheur, c’est donc accomplir son potentiel ; et l’homme doit être philosophe (raisonner) pour être heureux, mais il doit aussi exercer ses facultés intellectuelles en lisant, en écoutant de la musique, en méditant, en étudiant, en discutant, etc. Disposer d’une nourriture abondante et de tous les plaisirs sensuels est insuffisant au bonheur humain, contrairement au bonheur animal.
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