Épictète, Manuel : « Souviens-toi que tu es comme un acteur dans le rôle que l’auteur dramatique a voulu te donner. S’il veut que tu joues un rôle de mendiant, joue-le convenablement. Fais de même pour un rôle de boiteux, de magistrat, de simple particulier. Il dépend de toi de bien jouer le personnage qui t’est donné ; mais le choisir appartient à un autre. » Selon cette conception, l’univers est un tout ordonné dans lequel chaque réalité possède sa place naturelle. Je ne choisis pas qui je suis.

Jean-Paul Sartre : Au contraire, la liberté est liée à l’existence humaine et nous rend pleinement responsables de nos choix. Nous ne choisissons pas d’être libres, nous le sommes. La liberté est une donnée native.

I. L’existence précède l’essence

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme : « L’existence précède l’essence » (l’essence est ce qui définit une chose de façon définitive : l’essence d’une chaise est d’être un meuble, mais qu’elle soit en bois ou en métal est accidentel). L’homme n’a pas de nature, il n’est pas prédéfini comme une chose. Aucune essence, aucune fonction ne lui a été attribuée dès la naissance : nous existons d’abord et, ensuite, nous nous fabriquons une essence, une fonction. La liberté précède la nature. L’homme n’est pas une nature, mais une liberté radicale : il choisit pleinement son existence et en est totalement responsable. L’homme est « condamné à être libre ».

L’homme se fait lui-même par ses choix, ses actes, il s’invente. Ainsi l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il fait. Tel est d’ailleurs le premier principe de l’existentialisme. C’est nous qui, par la réalisation de nos projets, construisons le sens de notre existence. L’être de l’homme se confond avec son « être libre », et la liberté se manifeste dans tous les actes qu’il pose. Par sa conscience de la mort, l’homme fait exception à la nature et échappe à tout déterminisme. L’homme ne se contente pas d’être ce qu’il est telle une chose. Il n’est que ce qu’il devient à travers ses actes et son existence. Il a en lui la possibilité de devenir ce qu’il veut être et de choisir sa manière d’être.

L’existentialisme privilégie l’existence singulière que chaque homme découvre en lui-même. L’homme y est conçu comme libre ; il n’est pas déterminé. L’existentialisme dit que Dieu et la nature humaine sont des concepts inexistants. L’homme doit trouver en lui ses propres valeurs.

Tout choix est une épreuve (erreur, regret) ; nous sommes toujours seuls face à nos choix. Pour échapper à ce poids qu’est la liberté, on peut se cacher derrière deux arguments : il y a des déterminismes et il y a des obstacles. Mais ces deux arguments ne sont pas valables, bien au contraire, remarque Sartre :

  • Ces obstacles attestent de la réalité de la liberté ;
  • Cela n’ôte pas pour autant la liberté et cela nous met simplement devant d’autres choix.

II. On choisit sa vie

Jean-Paul Sartre : L’homme est marqué par la transcendance, soit la capacité à choisir et à nier ce qu’il est. Mes choix me définissent, l’homme n’est rien d’autre que la somme de ses choix. La liberté est la possibilité de donner une orientation à notre existence dans certaines situations données. Invoquer un déterminisme physique, psychologique ou social est l’effet d’une mauvaise foi qui se cherche des excuses pour ne pas assumer sa liberté. L’athéisme radicalise la liberté en livrant l’homme à sa solitude et en le privant de recourir à Dieu pour nier ou atténuer sa liberté. La liberté est nécessaire, car s’il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de responsabilité. Être responsable, c’est répondre de sa conduite ; c’est assumer les conséquences de ses actes. Le choix de l’action doit être le nôtre.

Mais peut-on choisir de choisir, peut-on choisir la liberté ? Et peut-on choisir de ne pas être libre ? Choisir de ne pas être libre, n’est-ce pas encore choisir ? Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne : L’indépendance, c’est-à-dire le pouvoir d’agir selon son bon plaisir, ne produit que le despotisme et l’esclavage : « Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à ne pas être soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. » La liberté est obéissance, non pas obéissance aux puissants, mais obéissance à des lois qui s’imposent à tous, y compris aux puissants. Dans un État libre, personne n’est au-dessus des lois : « Tous veulent commander ; à ce prix nul ne craint d’obéir. » Les gouvernants eux-mêmes doivent servir les lois, et non servir des lois pour leur intérêt propre.

Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience : Il n’y a pas de libre décision indépendante de toute détermination ; la liberté est simplement la manière dont on intériorise les déterminations extérieures selon sa personnalité. Il n’y a ni déterminisme ni libre arbitre : plus les motifs qui me conduisent à agir d’une manière donnée viennent du « moi superficiel », c’est-à-dire de normes et de standards sociaux que je ne me suis pas appropriés, moins je suis libre, parce que mes actes ne sont pas marqués par mon empreinte individuelle ; et plus ils proviennent du « moi profond », c’est-à-dire de ce qui me caractérise comme individu unique en son genre, plus ils sont libres parce qu’ils sont conformes à ce que je suis fondamentalement.

EN RÉSUMÉ