Lettres d’une Péruvienne (1747)

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Les Lettres d’une Péruvienne dans la littérature épistolaire

Le roman épistolaire au XVIIIe siècle

Les Lettres péruviennes de Madame de Graffigny est un roman épistolaire publié en 1747. Le genre est très en vogue au XVIIIe siècle, notamment car il permet une plongée intime dans les pensées et les émotions d'un personnage, donnant ainsi l'illusion d'une parole directe, sincère et spontanée.

En mettant en scène un point de vue subjectif, il engage le lecteur à lire entre les lignes, à interpréter, parfois à douter. Le rythme fragmenté des lettres crée également une narration vivante, ponctuée d'ellipses, de rebondissements ou de silences éloquents.

Lorsqu'il y a plusieurs correspondants, le roman épistolaire devient polyphonique, offrant une richesse psychologique et une complexité narrative remarquables. Enfin, cette forme joue habilement avec l'illusion du vrai : elle brouille les frontières entre fiction et réalité et transforme le lecteur en confident, lui donnant l'impression de se sentir inclus, complice de ces lettres et des découvertes.

La tradition des lettres d'étranger

Les Lettres péruviennes s'inscrivent dans la tradition des lettres fictivement écrites par un étranger et donc qui a une vision tout à fait différente des événements (comme c'est le cas dans les Lettres persanes de Montesquieu). Comme il est d'usage dans la littérature épistolaire, les lecteurs acceptent de croire en ces lettres bien qu'elles soient fictives.

Dans l'introduction historique de l'édition de 1752, Madame de Graffigny fait un portrait des peuples péruviens en exposant leurs spécificités, résultats d'un travail approfondi et sérieux sur le pays.

Une argumentation indirecte

Néanmoins, les Lettres péruviennes sont un prétexte pour évoquer des sujets davantage sensibles et contestés à l'époque. La forme d'argumentation indirecte utilisée par l'écriture épistolaire permet de soulever des enjeux importants en évitant la censure et la honte : tout n'est pas le fruit de la réflexion de l'écrivaine, mais simplement des lettres qu'elle s'est contentée de publier, venant d'un autre pays.

Les personnages principaux

L'auteure met en scène Zilia, une princesse inca enlevée par les Espagnols lors de la conquête du Pérou par les Conquistadors. Zilia est la narratrice et le personnage principal. À travers ses lettres, elle décrit son expérience, ses émotions et ses réflexions sur l'Europe.

Aza est, quant à lui, le fiancé de Zilia et le destinataire des lettres ; il incarne le passé, un pays idéal. Bien que ces lettres soient fictives, Madame de Graffigny cherche à décrire un monde exotique, mais vraisemblable, notamment en adaptant les noms, les mythes à ceux des Péruviens.

L'illusion de vérité

Dans l'Avertissement, Madame de Graffigny insiste sur la véracité de ces lettres : elle nous affirme que l'histoire s'est réellement passée. Le fait de s'inscrire dans la tradition du soliloque, des lettres d'amour qui ne trouvent jamais destinataire, permet aussi de donner de la vraisemblance et de la crédibilité à l'entreprise littéraire.

EN RÉSUMÉ

L’œuvre : structure, style et enjeux

Lettres péruviennes est composée de 41 lettres, mais des correspondances supplémentaires ont été publiées dans certaines éditions ultérieures, notamment en Angleterre et en Allemagne, attribuées à d'autres auteurs qui imaginent, par exemple, la réponse de l'amant.

Les premières lettres : enlèvement et espoir

Des lettres I à VII est raconté l'enlèvement de Zilia par les Espagnols le jour de ses noces avec Aza, puis secourue en mer par des Français. La jeune héroïne, bien que perdue et terrifiée, reste pleine d'espoir et rêve de revoir Aza.

Regret et dénonciation de la barbarie

Les 13 premières lettres sont marquées par le regret et la nostalgie, ainsi qu'une forte méfiance envers les Conquistadors dont l'héroïne dénonce la barbarie dans la première lettre : « Quel est le peuple assez féroce pour n'être point ému aux signes de la douleur ? (...) La cruauté est le seul guide de leurs actions. »

Découverte de la société française

À partir de la dixième lettre, Zilia découvre les coutumes françaises sous le prisme de la naïveté. Elle est recueillie par un Français, Déterville, qui l'introduit dans sa société et la cultive par l'écriture et la lecture par l'intermédiaire d'un précepteur. Elle perçoit très vite les inégalités sociales, réfléchit à la condition des femmes et à l'hypocrisie religieuse, notamment quand elle se retrouve au couvent (lettre XIX) en compagnie de Céline, la sœur du chevalier, ce dernier ayant été envoyé à la guerre.

Émancipation du personnage féminin

Ces lettres marquent une première émancipation du personnage féminin qui évolue vers une certaine autonomie morale et intellectuelle, se questionnant sur la nécessité de rester attachée à son amant au Pérou ou à la possibilité d'envisager une vie à l'européenne avec Déterville.

Cette émancipation passe également par la prise de conscience, malgré de nombreux espoirs et efforts de la part de Déterville, qu'Aza ne viendra pas. Elle subit alors la déclaration d'amour du chevalier. Résolue, elle rejette les deux figures masculines et choisit alors de vivre seule. Ces lettres deviennent une démonstration manifeste de l'évolution du personnage féminin, d'une jeune naïve observatrice à une femme au regard critique, lucide.

Enjeux modernes et critique sociale

Les enjeux sont d'une grande modernité. Madame de Graffigny choisit le regard d'un personnage féminin pour montrer son évolution au cours du temps et son affranchissement des mœurs, des conventions comme le mariage, mais aussi l'éducation des femmes à la française qui les prépare à seulement plaire et non pas s'émanciper ou apprendre et comprendre le monde.

Madame de Graffigny dépasse les convenances : son héroïne finit par se choisir elle-même plutôt que les deux hommes et perd son statut noble en arrivant en France. L'image de la colonisation des Incas est aussi celle des femmes enfermées, devenues esclaves de relations auxquelles elles ne consentent pas. En idéalisant le monde inca, Madame de Graffigny arrive à mettre en avant les limites de la société française comme la monarchie ou encore l'hypocrisie de l'Église. Arriver à aborder des enjeux aussi cruciaux relève de la prouesse, d'autant plus quand ces enjeux sont soulignés, analysés par un regard ouvertement féminin.

EN RÉSUMÉ

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Comment Zilia évolue-t-elle d'une jeune femme qui n'écrit que par amour à une femme qui réfléchit sur la société ?

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En quoi Les lettres d'une péruvienne constitue une satire éclairée de la société ?

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Comment un nouvel univers s’offre-t-il aux yeux de l’héroïne des Lettres péruviennes ?

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