Le merveilleux : synthèse

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Le merveilleux et la représentation littéraire : perspectives comparées

En quoi les différentes formes du merveilleux révèlent-elles l’évolution de la littérature française ?

L’étude comparée du merveilleux chez Léry, d’Aulnoy, Nerval et Aragon permet de rendre compte de l’un des pans de l’évolution de la littérature française et mettre au jour les différents sens que revêt le genre du merveilleux au cours des siècles en fonction des intentions de chaque auteur. Ainsi, du XVIe au XXsiècle, le merveilleux passe du témoignage ethnographique illustré par Léry au XVIe siècle à l’exploration de l’inconscient chez Nerval ou Aragon, révélant les mutations profondes de notre rapport au monde et à la littérature.

Plus précisément, Jean de Léry innove en faisant naître, au XVIsiècle, le merveilleux de la rencontre avec l’altérité : l’émerveillement devant la nature brésilienne et les coutumes indigènes qu’il décrit fonde un merveilleux documentaire où l’observation précise engendre un sentiment d’étrangeté. Cette approche empirique rompt avec le merveilleux médiéval (des romans arthuriens par exemple) et annonce la curiosité scientifique moderne. En outre, le protestantisme de Léry ajoute à ce merveilleux une dimension théologique : la nature créée par Dieu témoigne par elle-même de la gloire divine. Au XVIIsiècle, c’est un merveilleux baroque au service de l’émancipation féminine qui naît dans les Contes sous la plume de Madame d’Aulnoy. Les fées sont souveraines, les métamorphoses abondantes, ce qui offre, dès lors, un espace de liberté narrative où les femmes échappent aux contraintes sociales. Le genre prend une dimension sociale, alors qu’au XIXsiècle, dans l’œuvre de Nerval, Aurélia, le merveilleux devient psychologique à travers l’exploration de la psyché et annonce le succès futur de la psychanalyse : « l’épanchement du songe dans la vie réelle » transforme le délire en révélation mystique. Ce merveilleux psychologique influence profondément le surréalisme.

Enfin, avec Le Paysan de Paris, Aragon invente au XXsiècle le genre du merveilleux quotidien qui transfigure la modernité urbaine. Les passages parisiens deviennent les temples du capitalisme naissant, révélant la dimension mythologique de la marchandise. Ce merveilleux matérialiste et critique fait de la ville moderne le lieu d’une nouvelle sacralité profane.

EN RÉSUMÉ

Le merveilleux comme mode de connaissance

En quoi le merveilleux constitue-t-il une voie d’accès privilégiée à la vérité dans nos œuvres ?

Le merveilleux, loin d’être un simple ornement ou tentative d’évasion, fonctionne dans nos quatre œuvres comme un mode de connaissance alternatif à la rationalité scientifique. Chaque auteur développe une épistémologie du merveilleux qui révèle des vérités inaccessibles au discours rationnel. Cette fonction du merveilleux en fait un instrument critique capable de dévoiler les dimensions cachées du réel. En effet, chez Léry, le merveilleux fonctionne comme un révélateur anthropologique. L’émerveillement devant les Tupinambas permet de questionner les certitudes européennes et propose à travers la vision de l’étranger un renversement du regard sur les us et coutumes des Européens. Le merveilleux favorise le relativisme culturel et pose la question de « Qui est le plus barbare ? », anticipant les problématiques de l’anthropologie moderne.

Cette dimension critique apparaît dans le merveilleux de Madame d’Aulnoy, chez qui le merveilleux agit comme un moyen de dénoncer les travers de la société de l’Ancien Régime : les métamorphoses animales révèlent la bestialité des rapports de pouvoir, les fées tyranniques dénoncent l’arbitraire social, et enfin les mariages forcés avec des monstres exposent la violence des alliances aristocratiques.

Dans l’œuvre de Nerval, le merveilleux constitue une voie d’accès à l’inconscient ; il devient un moyen d’explorer l’intériorité. Les visions d’Aurélia révèlent les structures profondes de la psyché : « Il me semblait que je savais tout, et que les mystères du monde se révélaient à moi. » Chez Aragon, enfin, le merveilleux est un instrument de déchiffrement de la modernité, tels les « hiéroglyphes » du passage de l’Opéra qui révèlent la mythologie capitaliste naissante.

En conclusion, cette constante épistémologique traverse les siècles : le merveilleux révèle toujours une vérité que la raison seule ne peut atteindre. Il constitue ainsi une tradition alternative dans la pensée française, contestant le monopole du rationalisme sur la connaissance.

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