Espoirs et désillusions du processus de paix en Palestine

Les accords d’Oslo (1993)

La poignée de main devant la Maison-Blanche entre Yasser Arafat, leader de l’OLP, et le Premier ministre israélien Yithzak Rabin (1922-1995), autour du Président Bill Clinton, le 13 septembre 1993, est une des photos les plus marquantes des années 1990. Elle entérine les accords d’Oslo par lesquels Israël et Palestiniens se reconnaissant enfin mutuellement, entre l’État hébreu et une « Autorité politique palestinienne ». Des négociations secrètes avaient cours entre Israéliens et Palestiniens depuis 1988, encouragés par les États-Unis qui se montrent plus présents dans la région par leur intervention dans le Golfe, et par l’implosion de l’URSS qui soutenait traditionnellement l’OLP.

La Norvège, pays à la longue tradition de neutralité, a accueilli pendant des années des rencontres secrètes entre émissaires israéliens et palestiniens, avec un rôle certain pour Shimon Peres (1923-2016), ministre des Affaires étrangères israélien dans le premier cas, et Ahmed Qoreï (1937-2023), cadre de l’OLP, dans le second. Un processus de paix est désormais enclenché. L’optimisme domine, malgré l’assassinat de Rabin par un extrémiste juif (Yigal Amir) à Tel-Aviv le 4 novembre 1995. et la dissidence du Hamas côté palestinien.

Sur les brisées d’Oslo, la Jordanie signe un traité de paix avec Israël le 26 octobre 1994. Un grand nombre d’États arabes normalisent peu à peu leurs relations diplomatiques, sans forcément aller jusqu’à la reconnaissance officielle (qui n’est exprimée qu’en 2000 en ce qui concerne les Émirats arabes unis ou le Bahreïn).

L’Autorité palestinienne constituée s’installe à Jéricho, après un accord signé en mai 1994 et après l’évacuation de la ville par l’armée israélienne (puis ce sera Ramallah en 1996). En janvier 1996, les premières élections directes au Conseil législatif palestinien sont un triomphe pour l’OLP : Yasser Arafat est élu président de l’Exécutif palestinien avec 87 % des voix.

En septembre 1995, la Cisjordanie est divisée en trois zones :

  • Zone A : les sept grandes villes palestiniennes de Cisjordanie où l’Autorité palestinienne doit assurer la sécurité et l’administration.
  • Zone B : les autres localités palestiniennes où l’Autorité palestinienne assure la responsabilité civile, mais Israël assure encore la sécurité.
  • Zone C : soit 62 % des terres de la Cisjordanie, toujours sous contrôle total d’Israël pour la sécurité et l’administration.

La répartition devait évoluer dans le temps vers plus d’équilibre, mais il n’en sera rien. En 2015, l’autorité palestinienne ne gère directement que 20 % de la Cisjordanie et 55 % de sa population. Tandis qu’Israël continue de cautionner l’installation de colons juifs dans les territoires occupés : entre 1992 et 2002, le nombre de colons double à Gaza (de 3 400 à 7 000) et en Cisjordanie (de 100 000 à 200 000) : en 2002, 41 % du territoire de Cisjordanie sont mis à la disposition de ces colonies via des confiscations diverses de la part des forces armées.

Les accords d’Oslo étaient imparfaits en ce qu’ils n’évoquaient guère cette colonisation, ainsi que le sort de Jérusalem revendiquée par les deux parties et enfin le statut des réfugiés palestiniens à l’étranger, qui rejetèrent d’ailleurs en bloc les accords. Des critiques sont exprimées aussi bien de la part des islamistes que de la gauche palestinienne qui dénonce la corruption de l’Autorité palestinienne.

L’échec du processus de paix

À l’aube du XXIe siècle, le processus de paix s’enraye et les deux parties se braquent. La société politique israélienne se droitise avec davantage d’assise électorale pour le Likoud et l’apparition en 1999 du parti Israël Beytenou d’Avigdor Liberman (1958-) qui rassemble les juifs d’origine russe qui ont enfin pu immigrer après 1990 (ce que l’URSS interdisait ou rendait très difficile), soit 600 000 personnes. Le parti prône l’expulsion des Palestiniens et participe à tous les gouvernements entre 2003 et 2013.

Même si, en mai 2000, avec une victoire surprise de la gauche, le Premier ministre Ehud Barak (1942-) avait retiré Israël du Sud-Liban en gage de paix. Mais, par effet pervers, le Hezbollah crie victoire et appelle son homologue du Hamas à redoubler d’ardeur terroriste contre l’État hébreu. Un nouveau sommet de la paix s’ouvre à Camp David en juillet 2000 à l’initiative de Clinton mais se conclut par un échec. Clinton, en fin de mandat, propose un plan de création d’un État palestinien sis sur 95 % de la Cisjordanie, mais qui n’est relevé par personne.

Devant cet échec, Arafat lance la seconde intifada en septembre 2000, après une visite controversée sur l’Esplanade des mosquées de Jérusalem d’Ariel Sharon (1928-2014), ancien général vétéran des guerres israélo-arabes, devenu chef du Likoud. À la désobéissance civile, s’ajoutent de sanglants attentats-suicides commis par le Hamas. Le Likoud remporte triomphalement les élections en février 2001, avec 62 % des voix.

Pour contrer le terrorisme, le gouvernement d’Ariel Sharon décide en 2002 la construction d’un mur pour protéger Israël et les colonies juives de Cisjordanie : la « barrière de sécurité » qui empiète sur les territoires occupés. Mais, dans le même temps, il lâche du lest en retirant les forces israéliennes de la bande de Gaza, autonome de facto. Affaibli par la maladie, Arafat meurt en France en novembre 2004, sur fond de rumeur d’empoisonnement par les services israéliens.

Son successeur Mahmoud Abbas (1935-), Président de l’Autorité palestinienne, a du mal à se faire entendre de l’intégralité de son peuple. Le Hamas contrôle la bande de Gaza et en est devenu « l’autorité » depuis 2007. Diplomatiquement, les avancées pour l’Autorité sont surtout symboliques et sans grand effet sur le terrain : en 2012, l’ONU lui reconnaît le titre d’État de Palestine ; en 2017, deux tiers des États membres de l’ONU ont reconnu également ce titre. En 2025, une grande puissance, la France, franchit également le pas.

Escalade des violences entre Israël et les factions palestiniennes dans les années 2000 (et au-delà)

Les assauts réguliers sur la bande de Gaza

C’est à Gaza que se joue désormais le cœur du problème, territoire enclavé entre la mer et le désert, et dont Israël contrôle les accès et l’approvisionnement en eau (souvent coupé à titre de moyen de pression). En décembre 2008-janvier 2009 a lieu la « guerre de Gaza », soit une offensive armée de Tsahal pour faire cesser les tirs de roquettes du Hamas, dans le cadre de l’opération « Plomb durci ».

L’offensive est telle qu’elle suscite une large réprobation dans la communauté internationale, par la dissymétrie des moyens militaires mis en œuvre (emploi de bombes au phosphore blanc) et le grand nombre de morts dans la population civile palestinienne (un millier). Un scénario similaire se répète en novembre 2012 (opération « Pilier de Défense ») puis en juillet 2014 (Opération « Bordure protectrice » : 46 morts côté israélien, plus de 1 000 côté palestinien).

C’est depuis l’escalade des vengeances entre les attentats suicides/tirs de roquettes du Hamas et les frappes aériennes/interventions militaires musclées d’Israël… Qui anticipe le drame du 7 octobre 2023 où les milices du Hamas assassinent près de 1 200 civils en territoire israélien et prennent des dizaines d’otages, suscitant une réaction militaire d’une extrême violence d’Israël, toujours en cours aujourd’hui et suscitant des débats dans le monde entier sur sa qualification en potentiel « génocide ».

La question lancinante de Jérusalem

Selon le plan de partage de 1947, Jérusalem doit être une ville libre et ouverte à toutes les parties. Dans les faits, elle est une ville occupée par les Israéliens depuis l’indépendance pour sa partie Ouest et depuis la guerre des Six Jours de 1967 pour la partie est (comprenant la vieille ville et ses lieux saints), alors arrachée à la Jordanie qui l’occupait depuis 1948. La Knesset est installée à Jérusalem Ouest.

Israël considère la ville comme sa capitale depuis 1949 et une loi fondamentale a entériné en 1980 le statut de Jérusalem comme capitale « éternelle et indivisible » d’Israël. Quelques pays dans le monde (dont les États-Unis sur décision du Président Donald Trump en 2017) reconnaissent ce statut. Mais les Palestiniens revendiquent Jérusalem-Est comme la future capitale de l’État auquel ils aspirent.

Dans le cadre de ce statu quo, depuis plusieurs décennies, Jérusalem est le théâtre d’une « bataille démographique ». La ville compte environ 1 million d’habitants, dont 400 000 Arabes (38 %), mais les Palestiniens sont largement majoritaires dans la partie est (350 000). Ces Palestiniens n’ont pas la citoyenneté israélienne, mais « un permis de résidence », qui peut être révoqué s’ils quittent la ville plusieurs années.

Mais la démographie est favorable aux Palestiniens. Aussi, pour assurer la judéité de Jérusalem, la droite sioniste et l’extrême droite israélienne préparent des projets de loi pour incorporer dans Jérusalem les quelque 150 000 Juifs qui vivent dans des colonies, situées juste à l’est de la ville, en Cisjordanie occupée. De riches Israéliens rachètent également à prix fort des maisons à l’est de la ville et s’y installent drapeau en main.

Les dangereux voisins de l’État hébreu

Le Hezbollah libanais

À l’issue de la guerre civile au Liban, le mouvement armé chiite du Hezbollah s’est intégré à la vie politique, caressant même un temps, au début des années 1990, le projet de constituer un État islamique. Longtemps dirigé par Hassan Nasrallah (1960-2024) à partir de 1992, il exerce cependant un véritable contrôle territorial des régions chiites comme le Sud-Liban, le sud de Beyrouth et la plaine de la Bekaa, via des services publics directement contrôlés par lui (un système semblable à celui du Hamas à Gaza) : hôpitaux, écoles, banques locales.

Son discours brasse les thèmes de la résistance à Israël, de la reconnaissance des chiites du Liban, de la lutte tiers-mondiste contre l’impérialisme occidental et américain, ainsi que l’opposition à l’Arabie saoudite sunnite. Tout comme le Hamas, il recourt fréquemment aux tirs de roquettes et aux attentats-suicides contre Israël. À l’été 2006, une offensive armée israélienne a lieu pour faire cesser les tirs sur le nord d’Israël et récupérer des soldats israéliens capturés. Initialement juste passeurs d’armes vers le Liban, la Syrie voisine devient pleinement un allié du Hezbollah dans la région dans les années 2010.

L’Iran, danger pour Israël et pour toute la région

Les tensions sont régulières entre l’Iran et Israël, par exemple quand Mahmoud Ahmadinejad (1956-), ancien maire de Téhéran, devient président de République islamique, entre 2005 et 2013, et évoque la nécessaire « destruction d’Israël ». Mais cette rhétorique de l’anéantissement est régulièrement maniée par les dirigeants iraniens. Depuis Khomeini, est célébrée chaque année une Journée de Qods, en référence à Jérusalem et appelant à la solidarité musulmane (au-delà du clivage sunnite-chiite) contre Israël.

En 2017, a même été installée à Téhéran, place de la Palestine, une horloge affichant le compte à rebours de la « destruction d’Israël » (d’ici un quart de siècle). L’Iran est le premier financier du Hezbollah.

Les États-Unis suivent les orientations de l’État hébreu et de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), puissant groupe de pression au Congrès américain. Il est capable de faire voter des lois qui appuient les intérêts israéliens comme la loi d’Amato en 1996 qui sanctionne économiquement les rogue States comme l’Iran. Un statut d’« État voyou » qui est encore rappelé par le Président George W. Bush en 2002. Un embargo économique a été décidé par les États-Unis en 1995. Des sanctions internationales sont régulièrement votées par l’ONU.

Le programme nucléaire iranien suscite de nombreuses craintes depuis que la République islamique a repris ce projet lancé dans les années 1950 sous le Chah, et bénéficiant à l’époque d’une parfaite coopération technologique de la part des États-Unis. Les tensions avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sont régulières depuis les années 2000, après la découverte de sites secrets enrichissant de l’uranium à des fins militaires.

Un accord est pourtant été trouvé en 2015 (à Vienne) sur la limitation du programme nucléaire, mais le Président Donald Trump l’a dénoncé en 2018, pointant des hypocrisies côté iranien. En juin 2025, des frappes américaines et israéliennes ont ciblé des installations militaires d’enrichissement d’uranium.

Israël n’est du reste pas le seul ennemi de l’Iran. Cette dernière réactive les tensions religieuses sunnites-chiites, face à l’Arabie Saoudite. La République islamique soutient les différentes forces chiites, tel que la Syrie des Assad (Alaouites) jusqu’en 2024, les partis et mouvements chiites en Irak, ou des rebelles au Bahreïn (à 65 % chiite) et en Arabie saoudite (la province orientale, pétrolière, est chiite).

Dans le nouvel Irak post-2003, l’Iran joue les modérateurs entre les factions chiites (Dawa, Badr). Le général iranien Qassem Soleimani (1957-2020), haut cadre de la Force Al-Qods, unité d’élite des Gardiens de la Révolution, a dirigé des milices chiites opposées à l’occupation américaine, et sera abattu en 2020 par une frappe de drone américain.

L’Iran soutient enfin les rebelles Houthis au Yémen. En 1979, le Yémen du Sud s’était tourné pleinement vers l’URSS. Mais, dans le même temps, en réaction, le Yémen du Nord s’est tourné vers les États-Unis la même année. Ce clivage de guerre froide avait pris fin avec la réunification en 1990 sous la houlette du Président (du Nord), Ali Abdallah Saleh (1947-2017). Le mouvement rebelle, fondé par Hussein Badreddin al-Houthi (1960-2004), appartient à la minorité chiite zaydite, et a pris les armes contre le régime de Saleh en 2004 pour dénoncer la marginalisation des régions zaydites, mais aussi l’influence du salafisme sunnite soutenu par le royaume saoudien qui finance et arme la guerre contre les Houthis.

EN RÉSUMÉ