En quoi le merveilleux baroque de Madame d’Aulnoy constitue-t-il un espace de liberté féminine ?

Au XVIIe siècle, Madame d’Aulnoy (1650-1705) crée avec ses Contes des Fées publiés en 1697 un merveilleux baroque et subversif qui transforme le conte en instrument d’émancipation féminine. Pionnière du conte de fées littéraire avec « L’Île de la Félicité » (1690), elle développe une esthétique de l’excès qui distingue radicalement ses récits des contes moralisateurs de Perrault. Ses vingt-cinq contes déploient un univers où le merveilleux devient l’espace privilégié de la transgression des normes sociales.

Les fées d’Aulnoy ne sont pas de simples marraines bienveillantes, mais des figures de pouvoir féminin autonome. Elles règnent sur des royaumes, déclarent des guerres, exercent une justice parfois cruelle. Ainsi l’Île des Plaisirs tranquilles dans Le Prince Lutin représente-t-elle l’utopie féminine absolue : un lieu exclusivement féminin où le temps s’arrête, métaphore d’un monde libéré de la domination masculine. Cette souveraineté féerique compense, dès lors, symboliquement l’exclusion des femmes du pouvoir réel.

Le merveilleux proliférant d’Aulnoy – palais de cristal, métamorphoses en cascade, objets magiques innombrables – crée un espace de liberté narrative où tout devient possible. Les héroïnes comme Finette Cendron ou la Belle aux cheveux d’or agissent, voyagent, choisissent leur destin. De plus, les métamorphoses animales, omniprésentes, permettent d’explorer des identités fluides, échappant aux assignations sociales fixes.

Cette utilisation du merveilleux comme critique sociale voilée apparaît, en outre, dans le traitement des mariages forcés, de la violence domestique, de l’enfermement féminin. Sous le masque de la féerie, d’Aulnoy dénonce, dès lors, les réalités les plus sombres de la condition féminine aristocratique. Enfin, son merveilleux ironique, qui commente ses propres artifices, crée une complicité avec le lecteur adulte et révèle, à l’instar de son contemporain Jean de La Fontaine avec ses Fables, la dimension subversive de contes apparemment innocents.

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