I. De tribun à populiste

1. L’art du discours

L’art de bien parler est une discipline très ancienne nommée « rhétorique » durant l’Antiquité latine. Cette discipline présente trois concepts au centre de la relation entre l’orateur et son auditoire : la logique (centrée sur le discours), l’éthique (centrée sur l’orateur) et le pathétique (centré sur l’auditoire). La rhétorique distingue trois grands moments dans l’élaboration d’un discours : l’inventio (recherche des idées), la dispositio (mise en place des idées selon un plan adapté), l’actio (présentation de l’exposé, mise en action du discours devant un public).

2. La démagogie

Un bon rhéteur doit manier avec justesse toutes ces précautions oratoires afin de toucher son public. Mais il arrive parfois qu’un orateur cherche à séduire son public en flattant les passions, les préjugés et les émotions du peuple, souvent au détriment de la vérité ou de l’intérêt général. Promesses non tenues et division sociale sont alors l’apanage du démagogue.

3. Ambiguïté du discours

Un orateur peut à la fois commencer en tribun pour finir en populiste, tel Benito Mussolini (1883-1945), le chef du parti fasciste italien. D’abord auteur d’un discours flamboyant, à la fois épique et anti-bourgeois, il s’enlisera avec la notoriété publique dans un discours plus ampoulé, caricatural, centré sur l’ennemi intérieur. Un démagogue et un dictateur sont nés ! Les exemples documentés de démagogie remontent à l’Antiquité grecque, où le stratège Cléon fut amplement critiqué pour ses ruses oratoires par le grand poète comique Aristophane, notamment dans les Cavaliers.

II. De poignant à ridicule

1. De la séduction à l’excès

Amplifier le discours ou bien l’habiller d’habiles figures rhétoriques font partie des techniques classiques pour toucher et séduire un auditoire. La communication, remplaçant l’orateur par le démagogue, le tribun par le populiste, use et abuse des figures de l’amplification (emphase, anaphores, hyperbole, questions rhétoriques) afin de promouvoir un discours. Quelques figures de style, trop amplifiées, ne toucheront plus le public, mais prêteront plutôt à sourire.

2. L’anaphore

– « I have a dream », anaphore reprise du discours de Martin Luther King au Lincoln Memorial de Washington DC en 1963, souligne la promesse touchante d’un lendemain meilleur et égalitaire entre Noirs et Blancs.

– « Moi, président », anaphore martelée par François Hollande lors du débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2012 face à Nicolas Sarkozy, révèle un caractère excessif (elle est utilisée à quinze reprises !) et une rhétorique bien creuse.

3. L’hyperbole

– « Comment veut-on guérir le mal si l’on ne sonde pas les plaies ? » Très empathique, le discours de Victor Hugo devant l’Assemblée nationale, le 9 juillet 1849, touche les députés de plein cœur face à la misère, situation de détresse humaine universelle.

– « Les terroristes nous détestent pour notre liberté » : cette hyperbole du président américain Georges W. Bush se révèle symptomatique de son discours sur le terrorisme post-11 septembre. Cette distanciation est trop binaire, réduisant le monde en deux camps grotesques et ridicules : le camp de la liberté (bien) et le camp de la haine (mal).