Dans son Essai sur la norme du goût, Hume souligne que l’expérience montre une grande variété des goûts : selon chaque individu, selon sa société, selon la période historique...

Il faut donc en conclure que le beau :

  1. n’est pas une caractéristique objective, qui résiderait dans l’objet, dans le tableau ou le poème ;
  2. ne correspond pas à une norme universelle immuable ;
  3. mais est une propriété subjective, qui dépend du spectateur.

Le beau renvoie à une impression de plaisir qui nous fait approuver – ou désapprouver dans le cas du laid – une chose :

La beauté n’est pas une qualité qui se trouve dans les choses elles-mêmes, elle n’existe que dans l’esprit qui les contemple et chaque esprit perçoit une beauté différente. Il se peut même qu’une personne perçoive de la laideur là où une autre est sensible à la beauté.

Pourtant, Hume souligne qu’il y a des auteurs qu’on a oubliés, d’autres qu’on ne juge généralement pas au même niveau que les autres. Si le beau est relatif au sujet, le relativisme des goûts n'est pas absolu. Il doit y avoir une règle du beau, mais comment la trouver si les goûts sont si différents ?

La réponse de Hume consiste à soutenir que la règle est découverte par certains critiques d’art avisés. Mais ces critiques ne sont pas des génies qui possèdent un savoir inné, mais la délicatesse de leur goût vient de l’exercice. Hume insiste sur le rôle de la pratique et de l’habitude : à force de percevoir, de comparer différentes œuvres, ma perception s’éduque, s'affine et je perçois finement la beauté d’une œuvre. Cette éducation permet aussi de se déprendre des préjugés. La répétition de l’expérience n’est pas stérile ; elle produit une nouvelle manière d’être, une règle qui la dépasse :

En un mot, l’adresse et la dextérité que la pratique donne quand on exécute une œuvre s’acquiert aussi, de la même façon, quand on la juge.

Comme il n’y a pas de règles a priori du goût, la difficulté reste, de l’aveu même de Hume, à trouver un critère qui permette de distinguer ces experts. Ces règles, dégagées par l’expérience, ne sont pas universelles, mais seulement générales : elles souffrent de nombreuses exceptions, mais permettent de s’orienter dans le monde de la critique.