« Panem et circenses » (= Du pain et des jeux ») écrivait le poète Juvénal vers le Ier siècle pour dénoncer à la fois le renoncement du peuple romain à s’investir dans la vie de la cité préférant se divertir mais surtout la pratique des hommes politiques, répandue à Rome, d’offrir de la nourriture ainsi que des jeux de cirque au peuple romain afin de s’en attirer les faveurs.

À travers la figure du Grand Inquisiteur dans le roman intitulé Les Frères Karamazov, l’écrivain russe Dostoïevski pousse à l’extrême ce processus puisque le Grand Inquisiteur utilise sciemment les jeux d’enfants comme les comptines pour manipuler les esprits dans le but d’atteindre « un bonheur silencieux » laissant ainsi le champ libre pour gouverner.

Avec ses très nombreuses références visuelles à la Rome Antique – architecture des bâtiments, aigle impérial, Pacificateurs ordonnés à la manière des légions romaines, la nation nommée « Panem » et la reprise évidente des combats de gladiateurs dans la conception des jeux – la tétralogie Hunger Games (2012-2015), portée au cinéma par Gary Ross puis Francis Lawrence, propose une dystopie dans laquelle les jeux prennent toute leur dimension d’instrument du pouvoir créant par la même occasion de nouveaux rituels et de nouvelles figures de héros à l’image du personnage de Katniss Everdeen s’opposant au régime totalitaire du Président Snow.

On nomme « dystopie » les œuvres artistiques représentant une société fictive régie par un pouvoir totalitaire et/ou une idéologie néfaste. Voici deux autres exemples de films qui illustrent à travers des procédés comparables la problématique « jeu et pouvoir » :

Rollerball de Norman Jewison, sorti en 1975, est un film américain d’anticipation dystopique. La société a atteint, grâce à des cartels économiques planétaires, un niveau de vie et de confort incroyable. Toutefois, pour maintenir l’ordre et combler nos instincts violents, le pouvoir en place a créé le rollerball, un sport d’une grande brutalité.

Le Prix du danger d’Yves Boisset datant de 1983 est un film franco-yougoslave dans lequel le pouvoir, cette fois, est détenu par les producteurs de jeux télévisés. « Le Prix du danger » est le nom du jeu dans lequel un homme, filmé en direct, doit rejoindre un endroit secret tandis qu’il est traqué par des tueurs. S’il gagne, il remporte une somme astronomique mais jamais personne n’a encore gagné. Avec le recul, ce film peut apparaître comme une mise en garde, bien avant sa création même, des abus et des excès de la télé-réalité, visant à dénoncer la suprématie du pouvoir économique représenté par la publicité et les médias.